SAMEDI 23 avril 2016 : Sortie dans le Haut-Doubs et la Vallée du Drugeon

Prenez 10 personnes de tous âges et de tous horizons socio-professionnels. Emmenez-les toutes une journée entière sous une pluie tantôt fine, tantôt battante, rarement interrompue par une brève accalmie où le soleil fait semblant de vouloir poindre à travers la couche grise des nuages. Faites votre possible pour tenter d’observer au moins quelques oiseaux pas trop communs, tendez l’oreille pour leur faire remarquer le chant du Coucou. Trouvez quelques arguments pour justifier que, avec cette météo, les Courlis, Bécassines et autres Vanneaux censés nicher dans le coin n’ont pas franchement envie de parader. Ne montrez pas trop votre désarroi devant l’impossibilité de trouver, dans tout le Haut-Doubs, de Labergement à Ste-Colombe, en passant par Frasne ou Bonnevaux, un restaurant ouvert prêt à vous servir un café. Finalement, avec le vent qui se lève et pousse la pluie à vous lécher les pantalons, embarquez tout le monde pour une visite libre de la Maison de la Réserve naturelle du Lac de Remoray.
Au retour, si tout le monde vous remercie chaleureusement pour cette super sortie, aucun doute possible : il ne peut s’agir que du CEPOB ! Les cépobiens sont vraiment d’incroyables durs à cuire (ou à mouiller) !

Or donc, nous partîmes, malgré le froid annoncé et la pluie simulée par les modèles météos, avec tout de même quelques éclaircies et une fin des précipitations prévue pour 16h. Après les retrouvailles entre celles et ceux en provenance qui de Moutier, qui de Bienne-Neuchâtel, qui encore de Prilly, à Labergement-Ste-Marie, entre les deux lacs St-Point et de Remoray, une observation attentive des marais de l’entre-deux-lacs nous permis d’apprécier le chant du Bruant des roseaux et d’entendre le cri du Râle d’eau. Un « petit noir » s’imposant, notre quête d’un café-restaurant ouvert nous emmena de Labergement à Malbuisson et retour pour nous engouffrer dans la cossue Auberge du Coude, seul établissement ouvert. A l’accueil d’abord un peu emprunté de la serveuse, désespérée de ne pouvoir nous proposer des croissants, suivit un service tout de bienveillance, accompagné de quelques menues pâtisseries.
Ayant repris la route, passé le village de Vaux-et-Chantegrue, nous fîmes halte aux abords d’un méandre revitalisé du Drugeon, non loin de la source de ce dernier. Là, la prairie humide à peine sortie de l’hiver se révéla soudain parsemée de flocons violacés, invisibles au premier coup d’œil: les Fritillaires pintades étaient en pleine floraison et avaient revêtu leur étrange parure en damier.

Au coude du Drugeon à Bonnevaux, nous bifurquâmes vers l’est pour rejoindre le belvédère du Lac de Bonnevaux, qui domine la tourbière du Varot et ce lac un peu mystérieux qui, dans certaines conditions dont le karst garde jalousement le secret, se vide complètement par le gouffre de l’Entonnoir. Qu’importe les gouttes de pluie, nous mangeâmes notre pique-nique avec appétit et bonne humeur, aidé en cela par l’appel du premier Coucou gris de l’année. Gardant un œil à la longue-vue sur les Sarcelles d’hiver et d’été, une Oie cendrée et les Fuligules morillons sur le lac, les Milans noirs et royaux dans le ciel, certains d’entre nous ne ratèrent pas le furtif passage d’un Faucon hobereau, peut-être attiré là par le bal des Hirondelles de fenêtres et rustiques. En contrebas, perché sur les grands arbres isolés de la tourbière, un Pipit des arbres donnait la réplique aux Pouillots fitis qui hantent les boulaies.
L’Aigle mangeur de grenouille ne daignant visiblement pas se mouiller pour nous, nous reprîmes la route jusque dans les vastes étendues de prairies humides de la Vallée du Drugeon, aux abords de Ste-Colombe. Aux clochettes violacées des Fritillaires du matin répondit cette fois le tendre rose des Primevères farineuses, abondantes dans les marais alcalins. Mais de Courlis nous ne vîmes pas la pointe d’un bec et, la pluie se faisant insistante avec le vent qui s’était levé, nous nous en fûmes chercher refuge dans le tabac-presse de la gare de Frasne pour y trouver un café ou un thé bienvenus.
Enfin, prenant un chemin de traverse pour rejoindre Bonnevaux avant Labergement, nous traversâmes encore quelques étendues paraissant interminables de prairies et pâturages marécageux, habillant le doux relief d’anciennes collines morainiques parsemées d’impressionnants genévriers. Seule une Fauvette grisette de passage mit une note animée dans ce paysage encore plein de promesses pour le printemps à venir.

Et plutôt que de nous enfoncer dans les sombres forêts tourbeuses du Forbonnet, nous gagnâmes les bords du Lac de Remoray et profitâmes des expositions offertes au regard et au toucher dans la Maison de la Réserve, avant de nous séparer à nouveau et de reprendre la route pour le retour.
Celles et ceux qui avait participé à l’excursion baignée de soleil et riche d’observations en tous genres de 2010 ne furent pas pour autant déçus par cette plongée dans le climat océanique des marais du Haut-Doubs, et les autres jurèrent, non pas qu’on ne les y reprendrait plus, mais tout au contraire… qu’ils allaient revenir !
Allez comprendre cette alchimie qui fait naître des sourires sur ces visages encapuchonnés et mouillés par la bruine ! Merci en tous les cas à tous les participants et participantes. Ce fut une sacrée belle journée ! Avec tout de même 57 espèces au compteur (merci à Gauvain pour la liste !).
Philippe Grosvernier

Liste des espèces observées

photos: Gauvain Saucy

01: Fritillaire pintade

02: En bordure du Drugeon

photos: Philippe Grosvernier

Les travaux de restauration des tourbières aux abords de Frasne ont dû être interrompus en ce début d’année. La faute à un couple de Courlis cendré et un autre de Bécassines des marais qui n’ont pas pu attendre la fin des travaux avant de s’installer sur le site ! Mais la météo de cette journée ne nous aura pas permis de voir les oiseaux.